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Le blog de Memory 27

Ce blog est dédié au patrimoine et à la mémoire. Mémoire des pierres, mémoire des hommes. Nous sommes tous potentiellement des "passeurs de mémoire".

LA GRANDE GUERRE - JOURNAL DE MARCHE DE LEON CHUILLET

Léon CHUILLET
Lorsque la petite fille du Commandant Chuillet m'a montré le manuscrit de son grand-père, ma première réaction fut d'abord la curiosité, puis, très vite, après avoir lu quelques pages, j'eus le besoin d'aller plus loin. C'est ainsi qu'elle me confia ce manuscrit.

Jeune soldat appelé de la classe 1911, il se déclare cultivateur. Il sait lire, écrire et compter, monter à cheval, monter à bicyclette, conduire les chevaux. Ainsi se présente Léon Chuillet. Répondant à la question : Racontez-nous ce que vous faisiez avant de venir au régiment » il répond : « J’exerçais la profession de cultivateur, métier qui a été toujours de mon goût et j’espère, aussitôt mes deux ans finis, retourner labourer ma vieille terre ».

Ces aspirations à une vie calme et rustique vont très rapidement disparaître, et ce dès sa première campagne. La vie militaire lui plait, il reste calme devant les évènements, son bon sens paysan lui impose sa ligne de conduite. Très vite il prendra goût au commandement. Son manque d’instruction, remarqué à plusieurs reprises par ses chefs, n’est pas un handicap, au contraire car il fait ce qu’il faut pour apprendre et se hisser au sommet.

Incorporé le 1er octobre 1912 au 8ème Régiment de Cuirassiers de Tours comme cavalier il passe 1ère classe le 8 novembre 1913 et Maréchal des Logis le 30 juillet 1914. Le 2 août c’est la déclaration de guerre. Il ne brûle pas les étapes mais se construit à un rythme soutenu.

 
 Il se révélera un chef d'exception. Il raconte ici, jour après jour, sa Grande Guerre.
- Bataille de Charleroi en août 1914
- Bataille de la Somme
- Chemin des Dames
- Bataille d'Italie
- Bataille de l'Ourcq
- Bataille de Champagne
- Campagne d'Orient

Ce journal est suivi de témoignages relatant les dernières actions du Commandant Chuillet et ses derniers moments de combat en 1940.

Pour les passionnés d'histoire, ce livre est une façon de découvrir la Grande Guerre sous un autre angle, de l'intérieur. C'est aussi la découverte d'un homme hors du commun.
 
Voici quelques extraits de ce journal :
 
5 août 1914 : "Arrivée à destination à 3h. Débarquement. Le lieutenant Trémeau part faire le campement du régiment dans le village de Revigny. Le peloton est cantonné chez Monsieur le Maire. Très bon accueil des habitants qui ont pourtant déjà connu l'invasion en 1871. Ils paraissent cependant tous anxieux. Pourquoi ? C'est pour moi une surprise, nous allons pourtant être plus forts que les Boches et la guerre ne durera pas longtemps. Nous essayons de les rassurer du reste, les Boches ne viendront jamais jusque dans la Meuse."
9 octobre 1914 : "Cantonnement à Crépy-en-Valois. Rencontre d'Anglais pour la 1ère fois. Ma curiosité est vivement animée par leur installation. L'armée anglaise me donne l'impression d'une belle armée de luxe. Ils ont de beaux chevaux, de beaux harnachements, des jolies voitures automobiles, etc..."
10 novembre 1914 : "Quel secteur ! Ca tiraille tout le temps et l'on ne voit rien. Ah quand il faut aller porter un pli c'est pas rigolo. Les Boches vous suivent à coups de fusil. Toujours pas de vraies attaquent sauf sur les fantassins. Le 37 a été attaqué ce matin au petit jour. Les Boches ataquent en ligne de section par 4, les sections à 20 pas. Eh bien c'est un beau carnage. Ils ont rien pris. Les mitrailleuses tapent ddans mais ça ne fait rien. Ils ont attaqué à trois reprises différentes et toujours sans succès."
5 janvier 1915 : "Relève de l'Escadron par le 3ème du Groupe. Nous revenons à noubveau à Izel-les-Hameau. Ah, cette étape est pénible mais enfin faut encore mieux partir que de rester. Le groupe relevé au petit jour n'arrive au cantonnement qu'à la tombée de la nuit. Du peloton nous ne sommes arrivés que trois seulement, les autres trainenet sur les routes. Six jours de tranchées sans sommeil à ne manger que du singe et une étape de 28 kilomètres. Vive la guerre ! "
6 avril 1915 : "L"infanterie ayant beaucoup de pertes en officiers commence à faire appel à des sous-officiers de cavalerie pour paser dans l'infanterie. Ils sont promus sou-lieutenants. Au moment de leur départ c'est très avantageux, moi je n'y pense pas, car pour faire un officier il faut être à la hauteur. Au feu ça va tout seul, mais pour l'instant l'instruction générale ça me manque, sans cela je ficherais bien mon camp d'ici, car il vaut mieux être fantassin tout à fait, que de l'être dans les conditions où nous le sommes ici. "
15 juillet 1915 : "Prise d'armes et remise de décorations par le Général Commandant le D.I. Belle journée. Le Général me remet lui-même la Croix de Guerre. J'ai une légère émotion puis je suis présenté à nouveau au général comme volontaire pour l'Infanterie. Il me promet d'appuyer fortement ma demande. Allons, j'ai donc un peu d'espoir de partir dans l'Infanterie.

31 juillet 1915 : Impressions d'ensemble sur la première période de la guerre

Jusqu'au 20 septembre ce début de campagne fut excessivement pénible et accablant. Nos étapes ont été de 40 à 50 km par jour sans repos ni jour ni nuit. Plus particulièrement la retraite de Belgique depuis Neufchâteau fut démoralisante. Nous ne savions rien de la situation, nos officiers ont topujours été inquiets, jamais une bonne parole n'est venue nous réconforter. C'était pourtant leur devoir le plus impérieux.... Notre division avait eu un beau rôle dans la bataille de la Marne...

La 2ème période, celle de l'Yser, appelée Course à la Mer, fut moins pénible malgré la dure période des tranchées. Elle fut un nouvel apprentissage à la guerre, pleine de conséquences à notre non préparation....  Il est certain aujourd'hui que la guerre semble de plus en plus vouloir s'éterniser et tout le monde se demande un peu comment elle pourra se terminer...  Quelle en sera la conclusion ? Je m'engage dans une nouvelle vie, celle du devoir qui sera mon guide comme dans le passé. La guerre ne m'effraie pas. Je n'ai pas peur non plus de la mort et je suis certain d'avance de pouvoir me faire aimer de mes hommes par l'exemple.

9 septembre 1915 : Lingekopf. L'ennemi semble de plus en plus actif. Il va probablement attaquer. A 9h violent crapouillotage de toute la ligne, depuis le Collet du Linge jusqu'au Barrenkopf. De 9h du matin jusqu'à 16h ma section a reçu plus de 200 crapouillots. A 16h je reçois un gros crapouillot sur mon abri... nous sommes blessés. Nous tâchons de ramper jusqu'à l'abri du Capitaine pour nous faire panser. J'ai aussi beaucoup de blessés dans ma section...

17 octobre 1915 : L'artillerie qui nous croit attaqués tire comme un diable et la moitié des obus tombe en plein dans notre ligne. Quel désastre ! J'envoie des fusées mais rien à faire. Ca devient terrible, terrible. Les hommes sont fous furieux... Un gros calibre tombe en plein dans la section et y creuse un entonnoir de 6 mètres. La section de mitrailleurs qui est là est mise hors service... plus de oien avec la Cie ni avec le Capitaine... Moi aussi sans vouloir le montrer aux hommes je suis très inquiet. Mais enfin faut forcer la main et garder du sang froid jusqu'au bout...

29 décembre 1915 : Le bataillon va prendre le secteur du Barrenkopf. La 3ème compagnie va donc relever la 2ème compagnie du Capitaine planet. Mauvais secteur mal aménagé, peu ou pas d'abris, et secteur où le Boche tient la crête militaire.

Ma citation parait aujourd'hui à la Division : "Ordre du 14ème BCA n°173 - Sont cités : Chuillet, sous-lieutenant, 3ème Compagnie. Motif : S'est porté avec toute sa section à 40 mètres en avant de son front; a occupé et organisé sur une crête militaire à 10 mètres de l'ennemie une position très intéressante et très solide".

5 mai 1916 : Tous les cadres assistent au PC de la brigade à une présentation et à des essais d'unj nouveau fusil automatique appelé fusil mitrailleur, fonctionnant par compression des gaz. Le tir exécuté en notre présence donne de bons résultats et si nous sommes dotés de ce nouveau fusil il semble bien que la section, avec ses 3 fusils automatiques, va devenir puissante....

9 juillet 1916 : Je reçois du parc d'artillerie des grenades et des tromblons Viven-Bessières à raison de 8 tromblons par Cie. Le soir je vais essayer ces engins au pas de tir. Les résultats sont très positifs. La grenade peut être lancée à 150 mètres.
20 juillet 1916 : Toutes les vagues viennent déferler sur la 1ère section qui elle est couchée, la plupart de ces chasseurs pour toujours... j'apprends que le Lieutenant Bonnetot est tué devant le réseau, le Lieutenant Jean tué en tête de sa section. Que faire ? Je décide alors avec ma liaison de me porter en tête de la Cie pour l'entrainer et sauter dans la tranchée. Mais arrivant à quelues mètres, au moment de crier "en avant", je tombe à mont tour. Je tombe par terre et là mon fidèle agent de liaison Pradal me fait rouler dans un trou d'obus très profond où nous sommes en sécurité pour voir et panser ma blessure. J'ai une hémorragie, un trou énorme à la hanche droite près du bassin.
 
... à suivre

Le "Journal de Marche" est disponible sur le site : http://www.thebookedition.com
Rubrique : Culture et Société - Histoire de l'Europe.


 

 

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